Close
Las Bardenas Reales

Las Bardenas Reales

Le désert est un malentendu, un mauvais lit pour le sommeil et le songe, une page blanche pour la nostalgie.” (Ben Jelloun / Sahara )

L

Les déserts de ce monde ont adopté, aux travers des œuvres littéraires et cinématographiques, une réputation négative. On les voit néfastes, dangereux et signes de maux pour l’homme. Entendons-nous : Il n’en est rien. De ce que nous avons pu voir et ressentir en ces lieux, les déserts sont au contraire une promesse. Celle d’une réalité exacerbée qui vous extrait de vos certitudes occidentales journalières. Enfoncez-vous en eux, parcourez-les et puissiez-vous en ressortir plus sage. Car les désert nous apaisent. Dame Nature se dévoile dans sa plus stricte vérité. Celle des géologies ancestrales, des terres qui se meuvent, des cours d’eau puissants qui d’un jour à l’autre, deviendront lits de poussière. Quelques bons sens et une connaissance de la faune peuvent vous sauver la vie mais il existe en nous une volonté ineffable qui pousse l’homme à s’engouffrer dans ces immensités. Nous voulons nous retrouver ou nous égarer. Se poser des questions sans trouver les réponses, suivre une piste sans en connaître sa fin. Nous ressentons le désir incontrôlable d’y perdre notre humanité pour n’y lire qu’une réalité sereine, brute et immuable.

Entrons dans ce désert par l’une des entrées banalisée. Des panneaux modernes et logotypés nous indiquent les règles à suivre dans cet espace naturel fragile, victime d’un tourisme destructeur. La route est toujours bétonnée. Nous passons des offices et autres centres d’informations pour croiser quelques cyclistes courageux. Quelques lacets s’enchaînent et nous arrivons finalement sur une longue ligne droite, rappelant les routes désertiques du Nevada ou du Red Center australien. Quelques kilomètres plus loin, une bifurcation. Ça y est, la piste est de terre. Un beige jaunâtre qui nous rappelle aux avertissement entendus quelques jours auparavant. Le sol est constitué uniquement d’argile. Aux premiers signes d’humidité, les pistes se transforment en piège pernicieux. à première vue, tout semble plat et praticable mais dès la première roue posée, le véhicule s’enfonce de plusieurs dizaine de centimètres et même le plus robuste des 4×4 conduit par le plus aguerrit des pilotes se retrouve impuissant. Il est trop tard et il faut abandonner le véhicule pour trouver de l’aide auprès des agriculteurs de la région (autant dire qu’ils sont rares et n’aiment pas vraiment les touristes français).

L’érosion puissante témoigne de l’éphémérité du Parc.

Notre chance, les semaines précédant notre arrivé n’ont livré que peu ou pas de pluie. Nous pouvons donc nous en donner à cœur joie. Notre carte nous signale plusieurs points d’intérêt méritant un arrêt mais il faut stopper le véhicule souvent pour pouvoir apprécier les perspectives offertes. A chaque kilomètre, une nouvelle carte postale. Les formations rocheuses changent, la végétation et même la météo. Tout est changeant malgré l’immobilisme de ces lieux. En cette saison, les sols sont plutôt arides, les cours d’eau vidés de la moindre goutte de pluie. On croirait que rien n’y survit mais il faut savoir regarder vers les cieux pour déceler ce qui se cache sur terre. Nous croisons la route de plusieurs rapaces (aigles et buses) flottant lentement en vol stationnaire. Elles chassent. On aperçoit leur tête se braquer de gauche à droite, calibrant leur décrochés afin de plonger vers le sol, lequel dissimule des rongeurs. Ils volent en clans. Nos connaissances en ornithologie sont maigres mais on se souvient des documentaires de notre enfance. Les explications nous reviennent et on croit comprendre que ces oiseaux quadrillent leurs terrain de chasse pour maximiser les chances de repérer une proie.
Raté, les rapaces passent derrière la montagne. On les aperçoit une dernière fois, comme un au revoir fugace et nous reprenons notre route. Peut-être en découvrirons-nous plus tard…

Plus loin, nous croisons régulièrement d’anciennes petites maisons délabrées. La plupart sont inhabitées mais d’autres sont utilisées pour l’élevage. Nostalgie des comptes de Miguel de Cervantes, je me souviens des illustrations de Don Quichotte traversant les déserts espagnols, croisant ces célèbres moulins à vent. Nous y sommes, le décor est le même (sans les moulins). On imagine la vie des locaux en ces lieux qui, en dépit des apparences, offre des terres fertiles à la culture de légumes et à l’élevage. Une chance pour certains résistants qui perpétuent les traditions dans des conditions rudes et d’un autre temps. Les parcelles sont inégales, difficiles d’accès et très éloignées des routes principales permettant de convoyer les produits sur les marchés de la région.

Nous jubilons. Des chèvres ici et là, des élevages de moutons et de taureaux par dizaines. On se sent bien dans les Bardenas. Le parc n’est finalement pas aussi grand que ce qu’on nous avait raconté. Certes notre tout-terrain rend les approches plus faciles qu’avec une simple voiture mais on se familiarise rapidement avec les échelles. Cette montagne qui paraissait inatteignable n’est finalement à notre portée qu’en quelques minutes. Une chance pour nous, simples voyageurs au maigre porte-monnaie tentant de minimiser notre consommation de carburant…

Je regarde ma montre. Il est 16H00. C’est une heure fatidique pour nous. Nous commençons à prendre certaines habitudes dès la fin d’après-midi arrivée. Il nous faut du temps pour trouver un coin pour dormir. J’entends un coin légal, à l’abri des Rangers patrouillant (il est interdit de dormir dans le parc des Bardenas). Ça y est, nous y sommes, une petite plaine d’herbe généreuse dans le lit d’une rivière. Une rivière ? Nous connaissons le piège. Le soir venant, l’humidité ambiante s’accumule près de l’eau et stagne. Il va faire froid, très froid…

08H00. Nous sommes gelés. Nous avons passé la nuit dans la tente plutôt que dans le 4×4. Une erreur magistrale. Nous ne sentons ni nos orteils, ni nos mains. Seul un thè chaud nous donne un peu de courage pour faire notre vaisselle, ranger la tente et le bardas et reprendre la route. Spooky notre chien souffre aussi du froid. Nous nous réjouissons des premiers rayons de soleil qui viennent réchauffer la cabine. On démarre le moteur et le temps de sortir de cette glacière magnifique, nous reprenons lentement notre itinéraire vers la seconde partie des Bardenas : La Negra.

Le décor à changé. Les reliefs sont plus doux, quelques pièces d’eau viennent ponctuer les montagnes. Nous sentons néanmoins que le dénivelé augmente progressivement. Dans la Negra se situe un ancien lieu ecclésiastique nommé le Santuaire de Sancho Abarca. Site situé en territoire aragonais reconverti en hôtel, à une altitude de plus de 600 mètres, dont l’histoire nous importe peu. Nous recherchons autre chose. Ce site est un belvédère accessible par piste et nous sommes sûrs que la vue y est incroyable. Après plus d’une heure de lacets, nous arrivons sur le site. C’est au delà de nos espérance. Il y fait beau, très beau et nous ne ressentons aucun vent, seul un silence parfait règne en ces lieux. La vue est imprenable : Au sud, les vastes cultures agricoles d’un vert saturé et à l’ouest les pinèdes de pins de yeuse qui recouvrent les versants. C’est magique et nous sommes seuls. Nous en profitons pour déjeuner et promener le chien qui n’apprécie pas forcément ce genre de routes sinueuses…

Le temps du repas et nous repartons. Même si nous sommes tombés amoureux des Bardenas, il nous faut s’en aller. Notre retard des derniers jours nous éloigne d’une météo plus clémente et les côtes portugaises peuvent devenir très venteuses en Décembre. Nous devons reprendre la route dès le lever du soleil et parcourir une distance suffisante. Nous aurions aimé séjourner plus longtemps dans le Parc mais la règle du Road trip est de se conforter dans l’idée que le plus beau reste à voir. Ne traînons pas, n’oublions pas, nous sommes les Overland Pilgrims. Un pèlerin continue sa marche tant qu’il n’a pas atteint une certaine satisfaction spirituelle. Nous devons reprendre notre chemin, garder le cœur ouvert à l’inattendu et figer dans notre esprit la générosité d’une terre espagnole naturelle et unique en Europe.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Close