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Kapadokya

Kapadokya

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ant de chose se sont passées depuis notre arrivée en Turquie. Voilà trois semaines que nous traversons le pays et rien ne nous rendait plus impatient que d’atteindre la Cappadoce. Le nom est légendaire et c’est surement (avec Ephèse) un des lieux les plus connus mondialement. Ne demandez pas pourquoi. Il existe des centaines de raisons mais l’une d’entre elle mettra d’accord tout visiteur en ces lieux. C’est beau, unique et parfois même fantasmagorique. Il y a quelque chose de spécial en Cappadoce. Ses formations géologiques y jouent beaucoup. Un mélange de plaines déboisées magnifiques, contrastant avec des canyons et vallées creusées dans le tuf, laissant ici et là, apparaître ce qu’on appelle les cheminées de fée. Elles naissent là ou la composition de la roche est plus dur. Lorsque l’érosion fait son travail, certains « cônes » de roche résistent et s’élèvent progressivement vers le ciel. C’est cette particularité qui donna la possibilité aux habitants de la région de creuser dans les flancs de montagne afin d’y construire leurs habitats, églises ou villages.

Nous arrivons par l’Ouest. La vallée d’Ilhara est notre premier objectif. On y trouve les premiers villages troglodytes encore bien conservés. D’autres sites valent le coup d’œil mais nous ne visiterons que la vallée des milles églises. Un canyon incroyable ou randonneurs se pressent de marcher. Nous remontons à guet une rivière desservant de part et d’autres une multitude d’églises plus ou moins grandes, certaines magnifiquement décorées et d’autres élimées par le temps et les conditions climatiques. C’est néanmoins très impressionnant. On se demande pourquoi tant de monuments semblables ont été construits. Une volonté féroce de convertir les habitants de Capadocce à cette nouvelle religion, protégée par les Romains (n’en déplaise à certains, les Romains ont bien protégé les catholiques et leur ont offert la liberté de culte). Nous continuons notre petite promenade à travers la gorge et rencontrons encore d’autres églises ou simples maisons creusées dans la montagne. Au bout de quelques kilomètres, nous tombons sur quelques gardes du parc. L’un d’entre eux s’amuse à traverser la rivière en marchant sur un énorme arbre tombé récemment. Ils nous indiquent qu’il faut rebrousser chemin car il n’y a aucun moyen de passer sur l’autre rive à part ce tronc… Réflexion faite, nous préférons trouver un pont plus en aval. Nous terminons notre randonnée là où elle avait commencé sauf que cette fois, nous sommes seuls… Profitons-en pour prendre une dernière photo.

Nous reprenons la voiture et roulons en direction de Mustafapasa. Petite cité réputée pour son caractère original et intacte, nous nous faisons encore une fois rattraper par la météo plutôt capricieuse. Sans nous en rendre compte, nous avons lentement augmenté notre altitude, même en conduisant sur autoroute. Nous sommes désormais à plus de 1250 mètres au-dessus du niveau de la mer mais la série de plateaux que nous traversons nous trompe. Les températures chutent dramatiquement dès le soir venu et l’ajout d’une lourde pluie battante est un peu plus accablant. Tampis, nous tentons de trouver un spot de bivouac indiqué par d’autres overlanders par le biais de nos applications smart-phone. Cette fois, c’est le GPS qui nous piège et il nous emmène dans une série de champs boueux. Le piège se referme sur nous. Nous n’arrivons presque plus à sortir les pneus des profondes ornières creusées par les tracteurs du coin. Je joue de l’embrayage, passe en vitesse courte et active le blocage de différentiel. Une odeur de plastique brulé atteint nos narines. Il faut s’arrêter immédiatement le temps de faire refroidir ce qui ressemble à une abrasion extrême du disque d’embrayage. La pluie tombe, la nuit également et les températures nous glacent les os. Cette fois encore, il faudra nous réfugier dans un hôtel ou une auberge proche. Nous sommes dans une zone très touristique et peu de chambres sont encore disponibles à cette époque. Les prix sont également abusifs. Nous tournons dans Mustafapasa et demandons à chaque hôtel du centre si une chambre est encore disponible. Nous avons Spooky avec nous, ce qui ne nous aide pas non plus. Peu d’établissements sont « pet-friendly » mais nous finissons par en trouver un. Ouf ! Nous sommes sauvés pour cette nuit, merci.

Le lendemain, la pluie s’est calmée. Nous pouvons remonter dans note char et prendre la direction de la célèbre Goreme. C’est la Rome Cappadocienne. Célèbre pour ses décollages de centaines de montgolfières, nous espérons, en dépit des conditions météorologiques, pouvoir assister à ce spectacle hors du commun. Nul besoin de payer l’entrée d’un site pour les admirer. De nombreux spot de bivouac (wild camps) se situent sur les sites de lancement des ballons. On croise les doigts très fort !
Nous arrivons dans les environs de la Pink Valley au coucher du soleil. Pas de lumière chaudes, ni de fins rayons de lumière de fin du jour. Une ambiance froide et peu accueillante à la place. Ce n’est pas grave. Le paysage est à couper le souffle et nous pouvons enfin nous reposer. La région n’est pas si grande et il nous faudra parcourir que quelques kilomètres d’un site à l’autre. Quelques cheminées de fée apparaissent ici et là, un petit avant-gout des merveilles géologiques de la Cappadoce. Les lumières des villes environnantes s’allument et offrent des repères dans cette immensité naturelle. La nuit est tombée, un froid glacial s’installe, il faut dormir.

Nous trouvons un petit plateau accessible par les pistes de terre. Notre bivouac surplombe toute la vallée et nous offre une vue imprenable. On s’endort croyant que nous serons tranquilles. Peine perdue, au petit matin, une armée de Defender plus impressionnants les uns que les autres défilent devant Django, portant sur leurs banquettes usées, des dizaines de touristes venus prendre quelques selfies rapidement devant « notre » point de vue. Certains pousse le volume de leur poste radio au maximum. Je m’énerve et sors de la voiture. Je me dirige vers l’un d’entre-deux et lui ordonne de baisser le son. Il est trop tôt pour me chercher querelle et ces envahisseurs n’ont aucune primeur sur la quiétude des lieux. Respectez notre sommeil, il est 07:00 du matin et vous me trouverez sur votre chemin à chaque tentative de perturbation. Ces quelques mois de voyage m’ont poussé à devenir plus direct et sincère lorsque quelque chose le déplait. Je suis dans mon droit et eux non. Le chauffeur s’exécute et mon regard en dit long sur mes intentions en cas de rébellion. Une fois les selfies capturés, ils quittent les lieux, me lançant un regard menaçant. Ne t’inquiète pas, on se retrouvera sur les pistes si tu as vraiment quelque chose à me dire, je serai tout à toi. Passons ! Les cons sont partis (changement de vocabulaire). Seuls quelques décapotables américaines des années 1960 défilent encore mais restent à distance de notre 4×4. Le message serait-il passé ? Pas si sûr… C’est juste que le garde au sol est trop basse et ils risqueraient d’endommager les jolis pare-chocs chromés. Nous décidons de petit-déjeuner et de nous rendre dans le centre de Goreme, là où nous pourrions trouver plus d’informations sur les alentours.

Arrivés sur place, nous nous rappelons que de nombreux Land Rover sont utilisés dans la région pour divertir les touristes. Des excursions à la journée pour touristes en mal de sensations. Nous nous rendons dans la première agence qui pourvoie ce genre de service et nous demandons si un mécanicien pourrait jeter un coup d’oeil à notre char et à son embrayage. Ils acceptent et appellent l’homme en question. Le mécanicien prend le volant et je m’assoie côté passager. C’est l’horreur. Le chauffeur pousse Django en sur-régime comme s’il pouvait jouir d’un Defender en bien meilleur état que leur vieux 300TDI dont la plupart sont en très mauvais état. La fumée du pot d’échappement est noir, intense et recouvre tout le boulevard. Nous ne passons pas inaperçus mais j’ai l’habitude ce genre de test sur route. Après-tout, il faut pousser la machine dans ses retranchements pour apercevoir ou entendre un avarie. Nous nous arrêtons et l’homme me dit que rien n’est endommagé. Il resterait un résidu de la chauffe de l’embrayage qui continuerait à bruler pendant quelque temps. Selon lui, c’est normal. Je le crois et nous reprenons la route.

Il n’est finalement pas difficile de se repérer dans les environs. C’est même plutôt jouissif d’emprunter les pistes car vous tomberez inéluctablement sur des sites de maisons ou d’églises troglodytes très anciens. Certaines grandes vallées sont également accessibles et les paysages valent vraiment de laisser le 4×4 stationné et de continuer à pied. Nous repérons un sentier se parcourant en quelques heures. Il fait beau aujourd’hui et les températures sont remontées. C’est notre chance, nous enfilons les chaussures de randonnée, on arnache Spooky et nous voilà lancés sur les magnifiques chemins de la vallée rose. Ils serpentent entre les formations géologiques impressionnantes du parc. Ici et là, nous rencontrons des cyclistes, des cavaliers mais plus d’engins motorisés. Cela nous fait du bien car beaucoup de quads (par centaines) envahissent les pistes de Goreme et ça peut devenir lassant à l’usure.

Météo clémente, températures acceptables, à nous la Vallée Rose.

Après une heure de marche, nous tombons sans le savoir sur une ancienne église catholique creusées dans la roche. Une touriste étrangère se met à chanter de l’Opéra tant les qualités acoustiques des lieux se révèlent propices. Marina jubile, elle adore ce genre de chant. Je suis moins emballé mais je l’écoute « religieusement ». Nous reprenons notre chemin sommes de plus en plus surpris par la beauté des lieux. Nous prenons de l’altitude et la vue s’agrandit, s’améliore et les perspectives se révèlent à nous progressivement. C’est grandiose et nous ne regrettons pas les centaines de kilomètres parcourus pour attendre la Cappadoce. Je décide de prolonger notre marche en empruntant un sentier à flanc de falaise. Il nous permet de réaliser une boucle plutôt que de rebrousser chemin. Il fait désormais chaud, cela fait bien longtemps que nous n’avions pas eu cette sensation : On transpire ! Le spectacle continue. Notre marche nous mène vers l’enceinte extérieur de la vallée, nous permettant d’avoir une vue générale sur Goreme et ses alentours. Notre chien Spooky débusque quelques tortues turques. Elles sont énormes et bien dissimulées mais c’est sans compter sur le flair de notre petit chien. Ce n’est qu’un jeu, il pointe la bête sans défense et nous prévient qu’il a trouvé quelque chose. Nous reposons l’animal quelques mètres plus loin dans une touffe d’herbe et reprenons notre marche. Sur les derniers kilomètres, nous nous enfonçons plus profondément vers un petit hameau abandonné. Un petit sentier dessert les entrées des maisons et nous décidons de l’emprunter. Il nous ramènera inévitablement vers la sortie du parc et notre voiture…

 

La Vallée Rose, Cappadoce.

La journée terminée, nous consultons la météo et nous rendons compte qu’une énième perturbation approche à grand pas. Les terres argileuses de la région sont peu conseillées pour les aventurier désireux de camper dans les environs. Mais nous sommes de vrais résistants ! Nous savons qu’un spot en particulier est particulièrement prisé par les voyageurs en 4×4 en visite dans la région. Nous le trouvons grâce à notre application et décidons de nous y installer. Une idée nous revient subitement en tête. Les montgolfières ! Nous les avions presque oublié. Nous espérons les apercevoir au petit matin mais la météo ne présage rien de bon. Certains locaux nous disent que quelques-unes pourraient bien décoller. Mais ce sont des centaines de ballons que nous voulons voir ! Saurons-nous nous contenter d’une petite montgolfière au loin ? Nous n’avons pas le choix. La sécurité avant tout et aucune agence ne prendra le risque de faire voler un ballon lors d’intempéries. Plusieurs accidents sont relatés dans les médias chaque année et les rumeurs ont la vie facile en ces temps. Nous atteignons notre bivouac qui tient ses promesses. Nous garons le 4×4 et de chaque côté, un précipice abyssale. C’est magique et nous serons tranquilles cette nuit normalement.

 

Dernier bivouac en Cappadoce.

Dès le lendemain, nous décidons de trouver un refuge pour la nuit. Les températures sont en chute libre et nous voulons reprendre des forces. Nous trouvons un petit hôtel sur les hauteurs de Goreme, dernière chambre disponible. C’est une chance. Nous avons une situation spéciale et appréciable. Nous sommes à quelques mètres d’un point de vue sur la vielle ville. Nous décidons d’y monter malgré les nuages sombres approchant. Quelques minutes plus tard, de faibles rayons de soleil montrent leurs couleurs à travers la vallée. Le spectacle se passe de commentaire, juste un appel du Muezzin rajoutant à la magie.

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