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Tony

Tony

I

l existe des rencontres qui, dans leur nature la plus impromptue, vous réconfortent dans votre projet de voyager. Car c’est surement la raison principale du départ vers l’inconnu. Nous ne parlons pas ici de grandes découvertes ou d’aventures périlleuses au fond d’une jungle impénétrable. La chose en est bien plus simple. Le périple est humain, la rencontre l’est tout autant. Car c’est dans le regard de l’autre que nous vivons parfois les émotions les plus fortes et les plus réconfortantes.

C’est au détour d’une route de campagne près de Mira de Aire que mon regard fut attiré vers la forme très reconnaissable d’un phare avant de Defender. Non pas celle des modèles récents tels que le nôtre mais plutôt des antiquités d’un autre temps. Un coup de frein plus tard, nous voilà arrêtés. Je descends alors du véhicule et rejoints un immense portail métallique bien protégé par un énorme molosse m’aboyant insatiablement dessus. Je sonne la petite clochette de l’entrée e t aperçoit la silhouette d’un homme qui nous fait signe de rentrer.

Nous sommes accueillis chaleureusement par un homme d’une soixantaine d’année au regard tendre et aux mains de travailleur. Quelle stupéfaction d’apercevoir autant de modèles uniques de Land Rover en tous genres. Range rover, Discovery, Defender, modèles de l’armée britannique de la guerre du Golf, ect. Une collection aussi généreuse ne pouvait être tenue que par un homme au grand cœur. Il est Portugais, la chose est certaine mais heureusement pour nous, il parle un français parfait. Nous sommes comblés, nous allons pouvoir partager avec lui, chose qui n’arrive que rarement au Portugal car ils ne parlent ni français, ni anglais, ni aucune autre langue que le Portugais d’ailleurs.
Tony nous invite à contempler ses véhicules. Il n’hésite pas à nous montrer ses modèles les plus prestigieux. Dans sa jeunesse, Tony a participé à plusieurs reprises au Paris-Dakar et autres grandes courses internationales. Les photos sur les murs en témoignent. On sent la fierté du personnage et la nostalgie dans ses yeux. A la suite d’un divorce coûteux, Tony a tout perdu. Il s’est retrouvé forcé de vendre plus de trente véhicules en deux ans, réduisant sa collection aux modèles les plus chers et rares. Ses récits nous séduisent et nous sympathisons rapidement avec le vieux bonhomme.

Nous sentons rapidement que Tony ne reçoit que peu de monde et notre visite lui donne un peu de baume au cœur. Il faut dire que la crise économique portugaise est passée par là. Elle est bien réelle, pas comme en France. Nous avons traversé des dizaines de villages morts, abandonnés, ou seuls résident en ces lieux tristesse et désolation. Les hommes ont aussi été abandonnés et Tony en fait partie. Nous l’écoutons, longtemps, espérant que notre simple présence pourrait le soulager un peu.
Mais la passion revient vite. La discussion tourne autour des véhicules tout-terrain. Il se fait guide de son propre musée et nous explique absolument tout. Je le questionne, sans relâche, avide de connaissances sur cette famille de voiture mythiques que sont les Land Rover. Après quelques minutes, Tony se penche sur Django (notre Defender) et apprécie. Quelle satisfaction de recevoir de la part d’un professionnel quelques éloges sur notre préparation. On se sent rassurés. Tony nous met néanmoins en garde sur quelques points négligés. Nous roulons effectivement depuis notre départ sans bavettes. Nous apprenons alors qu’elles sont obligatoires à l’arrière au Portugal et dans d’autres pays européens. Nous savons que Tony est revendeur de pièce détachées et d’accessoires mais après une petites négociation, nous acceptons de lui en acheter deux. Nous en profitons pour acheter deux silent bloc de tirant de pont car depuis le sud de la France, notre pièce est lâche et nous entendons régulièrement des grands « clangs » dans le pont arrière. Nous profiterons de notre présence au Maroc pour les faire changer à moindre coût…

Cela fait deux heures que nous sommes sur place. Nous décidons de reprendre la route car, aussi bienveillante que fût cette rencontre, notre projet était de trouver un campground agréable pour la nuit et la mission reste inachevée.
C’est après de grands remerciements interminables que nous quittons Tony et son univers incroyable. Cela peut paraître anodin mais cette courte rencontre s’avère réconfortante. On a l’impression de se connaitre depuis toujours et sans mauvais jeu de mot, de « parler la même langue ». C’est ce sentiment que connaissent bien tous les passionnés d’automobile. Quelque chose nous réunis mais c’est finalement la partie humaine qui l’emporte sur le reste. Gardons en tête que tout ça n’est qu’un prétexte à trouver autrui. Nous nous regardons au travers des yeux d’un parfait inconnu, tentant de comprendre la force des belles rencontres ou peut-être le dessin d’un hasard qui semble parfois magnétiser les êtres au travers du temps, des lieux et des âges. Merci Tony.

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