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orsqu’on parle du Sud-Ouest, on pense très vite aux étés généreux où il fait bon vivre et où l’odeur de la sève des pins vient subtilement vous caresser les narines. Traverser les landes et le nord de l’Aquitaine en Décembre vous offre une vision bien plus sombre mais néanmoins très romantique. Originaire de Lille sans le Nord, je connais bien ces journées brumeuses ou la plus fine des pluie trempe tout ce qu’elle touche. C’est alors que me parvient une sensation de « déjà-vu » qui relève pourtant de grosses différences avec ma région natale.Nous débutons notre visite de la région par l’ascension de la dune du Pilat. Dune la plus haute d’Europe, elle nous donne un point de vue sur les forêts denses qui l’encerclent, comme si la végétation retenait cette immense formation de sable qui surplombe tout le littoral environnant.
Le vent frappe, cogne, vous gifle violemment. Quelques touristes bravent l’intempérie et aussitôt arrivés au sommet, s’empressent de prendre un selfie pour finalement redescendre, déçus de cette vue peu dégagée. A l’inverse, nous jubilons de cette grisaille puissante, promesse d’une tranquillité en ces lieux si souvent envahis. Tout est romantique, les perspectives se dissimulent dans le brouillard lointain et les choses paraissent parfois inatteignables.
La pluie s’intensifiant, nous décidons de reprendre la route pour rejoindre Biscarosse. En cette saison, le littoral est désolé, vide de touristes, les parkings à camping cars ne sont que peu remplis. Encore une fois, profitons de cette tranquillité pour s’installer et pouvoir jouir des plages immenses, balayées par un vent puissant venant de l’océan. Nous marchons à travers dune. Elles s’enchaînent inlassablement et leur hauteur donne parfois le vertige. On tombe parfois sur d’anciens blockhaus de la seconde guerre mondiale. Ils sont énormes, parsemés et on comprend vite pourquoi ils sont beaucoup moins présents que sur le littoral Pas-de-calaisien ou Nordiste : Ces dunes géantes sont de parfaits rempart à un débarquement américain.
Plus loin au nord, les arbres semblent avoir été arrachés par une bête puissante et cruelle. D’autres sont pliés et peinent à résister à leur propre poids. Les tempêtes hivernales sont passées par là et même certains pins de 15 ou 20 mètres subissent leur colères. Certains décors me rappelle » l’histoire sans fin ». Des allégories du néant qui, dès sa colère vous atteignant, vous fait perdre tout espoir et imagination. On se sent presque de trop dans ce paysage et la couleur de l’océan, à l’instar de certains animaux venimeux, vous rappelle qu’il est prêt à engloutir tout marin qui s’y risquerait. Pas d’inquiétude, nous aimons la terre ferme.
De retour au 4×4, nous rencontrons un portugais voyageant seul dans son camping car. Il nous donne quelques conseils pour notre séjour dans son pays natal et nous sentons rapidement que l’humidité nous glace les os et nous décidons de retourner dans notre petite maison de fortune.
Ces premières nuits dans la tente ou dans le 4×4 nous ont montré les difficultés de vivre et s’organiser dans 2 mètres carrés. Lorsque la météo devient moins favorable, tout devient un problème. Cuisiner, faire la vaisselle, se changer ou trouver des accessoires dans les caissons de rangement peuvent devenir un cauchemars. Mais nous l’avons cherché et il est trop tard pour jalouser le confort des camping-cars que nous croisons. Nous avons un véhicule de légende et ça se mérite. Nous n’avons aucun confort mais la liberté de prendre n’importe quel chemin, dans n’importe quelle condition. Et puis nous ne sommes pas chassés comme la peste, nous gardons un aspect de voiture et non de van ou de camping-cars qui subissent les interdictions permanentes peu importe le pays, l’heure de la nuit ou du jour.
Nous ouvrons la tente et nous couchons. La pluie tombe, le vent fait claquer le toit et nous peinons à trouver le sommeil. Reste quelques images de ces deux jours passés dans la région. Des brumes funestes qui vous invitent à quitter ce sol sablonneux, un vent cruel et pernicieux; Un décor de violence qui nous ramène peut-être à ce que nous sommes et à ce que nous méritons : La promesse d’une vie tumultueuse ou les lumières obscures du soir cèdent qu’à de rares occasions, la liberté de renaître parmi les rayons lumineux d’une vie meilleure…